“Nous arrivons par le village qui s’ouvre déjà sur la baie. Nous entrons dans un monde jaune et bleu où nous accueille le soupir odorant et âcre de la terre”
Et c’est dans ce monde de jaune et de bleu, embrassé de vagues et de ruines, où Albert Camus tombe amoureux du printemps et de l’été à Tipaza.
Déesse d’une nature qui a beaucoup trop à offrir aux yeux de son spectateur, pittoresque et pétillante est ce large choix de tableaux divins à contempler et à s’y perdre à l’occasion.
Tipaza est un prestige touristique, une oeuvre sans égale à l’oeil et à l’âme, offrant histoire, culture et nature. Comme elle offre aussi de la tranquillité, que Camus décrit comme telle: “J’avais au coeur une joie étrange, celle-là même qui naît d’une conscience tranquille.”
Commençant par son musée antique, qui, lui, nous réserve une autre virée historique vers les résidus d’une époque. Continuant la découverte de cette ville en marchant le long de sa piétonne aux feuilles vertes enlacées, laissant échapper les rayons du soleil d’un printemps gaie.
Dans Tipaza, il ne faut pas regarder les paysages, il faut les voir, il faut se projeter dans chaque détail, il faut se sentir impliqué dans la montagne de Chenoua et dans le bruit apaisant des vagues de la mer. Et c’est comme ça qu’on arrive à y apercevoir la beauté ardente de la ville de Tipaza.
La mer nous est encore présente est bien brillante en se dirigeant vers la blancheur immaculée d’Alger, cette ville ouverte sur un monde de bleu et d’infini, comme une bouche ou une blessure, prête à accueillir le vent des sensations, et à accepter la beauté des hauteurs qu’elle nous offre au quotidien. Alger comme sa citadelle, la Casbah, ont une odeur apaisante, il faut y retourner, ou y passer sa vie pour la connaître, Camus la décrit comme une odeur secrète, elle est inexplicable, reposante certes, mais on la ressent plus qu’on la sente.
Samir Toumi se projette dans Alger, en elle, il décrit ses émotions et ses ses pulsations désordonnées à travers les changements d’humeur d’Alger, il dit dans “Alger, le cri”: “Alger rit, comme un jeu de mots, Alger étouffe le jour, respire la nuit d’une longue inspiration qui fait clignoter ses lumières en message hypnotique. Je parle de ma ville pour ne pas parler de moi…”. Alger est une balançoire en osier et en corde, elle te prend en elle, elle te berce, t’envole et te dépose sereinement.
En revenant au soleil et au vent romain, Djemila, silencieuse et barade, tout nous parle à Djemila, les colonnes, les temples, les nécropoles, les stèles d’une cité qui a 2000 ans d’âge. Le marché de Corinus, la cour, le forum, le théâtre… Pour venir à Djemila il faudrait vouloir y être, vouloir la découvrir, vouloir faire face à elle, “Ce n’est pas une ville où l’on s’arrête et que l’on dépasse. Elle ne mène nulle part et n’ouvre sur aucun pays. C’est un lieu d’où l’on revient.”
Djemila, qu’elle soit vide de vie, déserte, envahie de pierres et d’un vent soufflant, elle amplifie l’être, elle le complète et l’habite. Et c’est le cas de Camus quand il dit: “Et jamais je n’ai senti, si avant, à la fois mon détachement de moi-même et ma présence au
monde.
Oui, je suis présent. Et ce qui me frappe à ce moment, c’est que je ne peux aller plus loin.”
Ces villes, et bien d’autres, au printemps comme à l’automne, ont le pouvoir de contenir le soleil, la mer, le vent et l’âme de la personne face à cet élan de démesure.
Bibliographie :
- « Alger, le cri », récit, par Samir Toumi,
- « Noces, suivi de l’été », recueil d’essais, par Albert Camus.