Pliée et mise dans le coffre d’avant de cette voiture, qui fait un drôle de bruit d’ailleurs. La chaleur me brûle même à l’écart des rayons du soleil tapant, en ce printemps doux, qui annonce l’arrivée de l’été. On est en mois d’Avril, lunatique et désobéissant. Il saute d’humeur et ne veut absolument pas garder une température plus au moins fixe. On passe de l’été à l’hiver en une demi-journée, sans aucune difficulté. Mais aujourd’hui, il fait beau! Et cet homme dans cette voiture, joyeux à la voix massacrante! J’entends de là des brins de “Zaâma zaâma”, une chanson de vie, de joie et d’amour.
Nous sommes sur une route serpentine, nous propulse de droite à gauche. Me laissant deviner la nature du sentier. J’attends alors, avidement, découvrir cet inconnu envol.
La voiture fait plusieurs pauses, l’une plus longues que d’autres. Et ce n’est qu’après quelques heures je dirai (je n’ai nullement la notion du temps, mais il m’est paru longtemps), nous sommes enfin arrivés.
Le coffre s’ouvre, il me prend, et me pose sur son dos. Je me sens portée mais encore enveloppée d’un tissus opaque et raide. Ça devrait être un gros sac à dos, pour préserver la nature de ma voile. Il déballe ce dernier, me sort enfin au soleil, et j’aperçois la verdure et une partie de la mer. De cette couleur familière et cet endroit accueillant, je présume que nous sommes déjà venus ici, et Dieu que j’aime cet endroit! Il me fascine et me perturbe à chaque fois que je m’envole et que le vent m’emporte à sa guise, et aux commandements de ce curieux et assoiffé des hauteurs, qu’est mon propriétaire. Je me perds dans le mitige du sentiment d’appartenance et celui d’une première fois récurrente mais exquise. Elle me laisse perplexe, déboussolée et admiratrice. Elle est comme ça Bejaïa, elle rajoute toujours une couche à mon étonnement, comme si, elle avait la capacité au sens propre, de s’allumer, ou d’être toujours allumée, et d’illuminer une partie de nous. Comme si, elle me donnait une âme.
Le temps arrivé, il prend l’envol, il vérifie que j’ai toutes mes capacités à le tenir et à lui faire vivre cet instant folklorique. Et c’est sur une falaise de Saket, à une vingtaine de kilomètres de la ville de Bejaïa. Je ne sais pas à quoi ressemble ce village de près, mais à la minute où nous quittons le sol et nous prenions l’envol, la vue qui s’offre à nous, nous est suffisante pour alimenter nos prunelles. Le vent prend contrôle sur moi, et à l’aide de mes poignées de commande, je déambule dans le vide, mais dans une composition désordonnée et miraculeuse d’un bleu turquoise et d’un vert émeraude, que la mer et les montagnes de Bejaïa, ont la particularité de nous offrir. Je suis émergée de beauté, je suis émergée d’amour. Nous survolons comme des aigles fiers et autoritaires.
Et me voilà, je redescends à terre, je freine et je quitte le suspend, pour reprendre le souffle, attendre nos courageux du jours, qui eux aussi, veulent apprécier la bougie de l’Algérie de haut. En espérant voler une autre fois ici ou ailleurs. Prenez plaisir à ressentir les villes avant de les voir, à toucher leurs reliefs et boire leurs eaux. Et puis, être capable de les reconnaître avec vos âmes.
Enfin, je ne suis qu’une parapente qui vous raconte son survol à Bejaïa. Cette ville qui ne cesse de m’émerveiller.